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【LP review】水鏡 Suikyō
by Michel
Henritzi
Published in revue
& corrigee. ( 2024 Feb )
Tあkeshi Masubuchi, Ayami Suzuki & Tomo « Suikyo », An’Archives - 2023
Aux premières notes on songe à Morton Feldman à l’écoute de l’ouverture de « Suikyo »,
cette
façon
de dilater et ralentir l’écoulement du temps, surtout dans la façon qu’à Masubuchi de poser ses
notes sur le manche de sa guitare, avec de grands espaces blancs étirés entre deux notes. Pour
autant Feldman est une comparaison facile et pas tout à fait juste, leur musique va assez vite
glisser vers d’autres horizons, des passages où tout s’emballe, s’agglomère, se mélange, j’aurai pu
évoquer pareillement le gagaku tardif, celui qui influencera Messian et des compositeurs japonais
comme Takemitsu. Cela donnerait une image sonore de ce qui se joue là entre ces trois musiciens : la
chanteuse Ayami Suzuki, le guitariste Takeshi Masubuchi et le vielliste Tomo.
Les deux pièces
assemblées ici nous absorbent, nous suspendent dans une écoute rêveuse et douce, les enluminures
mélodiques comme des fils qu’on suit, coupés aussitôt nous laissant avec un doux sentiment de
perte.
C’est une rivière calme, de sons flottants, qui s’écoule, sur laquelle surnage la voix éthérée
d’Ayami (qu’on avait pu entendre dans un registre plus folk précédemment) que réintroduit ici la
vielle à roue évoquant les folklores celtes, emmenant la voix dans une ronde ascendante, glissant
ensemble dans la trame du temps, enlacés. Trio d’artisan/es reprenant le motif, tissant et
assemblant différents plans sonores, ouvrant sur un temps cyclique, on s’y dissout, se retrouve et
s’égare encore, perdu dans ces jardins imaginaires. Tonalité, atonalité, ne font pas sens ici, sons
et notes guère plus, c’est le rapport au temps qui marque, l’éternel retour, la figure de la boucle,
la main qui tourne la manivelle vers un infini rêvé.
Michel Henritzi