増渕 顕史
Takashi Masubuchi


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【Casette review】FeatherLand

by Michel Henritzi
Published in revue & corrigee. ( 2023 June )

on songe à Joséphine Forster ou Kathy Bloom, à ce folklore ancré dans les grandes plaines de l’americana, qui n’est pas dans la reproduction revivaliste du folk des 60/70s, continue à s’inventer par métissage, déplacement, ici décalé dans un ailleurs. Un album de chansons qui aurait pu être écris par Morton Feldman pour Sibylle Baier ou Joni Mitchell.

Ce qui évoque le compositeur américain c’est la guitare de Masubuchi, cette façon de ralentir, de permuter quelques rares accords, d’étendre les intervalles de temps, de jouer sur un effet de répétition. Les chansons sont comme statiques, arrêtées sur elles-mêmes, monotones, mais non pas ennuyeuses, elles nous maintiennent dans une ambiance rêveuse, un abandon. Il y a comme une oscillation entre orient et occident, entre la voix non dépourvue d’un certain lyrisme et la guitare, évoquant autant la musique pour shamisen que cet autre guitariste d’avant-garde : Taku Sugimoto. Masubuchi est dans la proximité de l’univers si particulier de Sugimoto, partage avec lui de mêmes influences : du blues à John Cage, un rapport au temps plié sur lui-même, au silence bruissant. « Feather Land » est donc un disque de folk, d’avant-garde folk, qui derrière ce canevas laisse poindre un Japon qui s’efface, nous laissant allongé sur un oreiller d’herbes, dans un songe. On se laisse caresser par la voix d’Ayami Suzuki, ce chant de douceur, d’apaisement, qui semble flotter sur les arpèges trouées de Masubuchi, comme quelques fleurs coupées emportées par le courant. Sa voix nous prend la main, nous conduit dans un outre monde. Songs pastoraux, comme décalés de l’urbanité oppressante du Japon, peut-être un simple décor mais qui nous permet de nous abstraire du rythme obsédant de nos vies agitées.

J’ai été attiré au Japon par ses voix, celles de ses chanteuses : Chie Mukai, Reiko Kudo, Shizuka, Morita Doji, cela aurait pu être celle-ci. Il y a comme une nonchalance, un abandon comme lorsqu’on se surprend à chanter dans son bain, plus besoin d’artifice, juste laisser les cordes vocales vibrer et s’unir à nous.

Michel Henritzi